#9 juin 25
Regards de photographes :
10 ans à Camping
Christophe Berlet et Marc Domage
Camping 2018, CND Centre national de la danse © Marc Domage
Chaque année depuis 2015 au CN D, 300 étudiants d’écoles d’art internationales se réunissent à l’occasion de Camping. Les photographes Christophe Berlet et Marc Domage ont documenté cet événement au fil des années, ses workshops, son foisonnement et les personnalités singulières des campeurs et campeuses. Ils racontent « leur Camping » en images et en mots.
C’est très difficile pour moi de mettre des mots sur mon vécu,
ça vient toujours par bribes.
C’est par le corps que j’ai réussi à me construire,
pas par le langage.
J’imagine que c’est parce que je ne parle pas ma langue maternelle.
On a développé avec ma mère notre propre langage, on s’observe beaucoup.
C’est à travers le corps qu’on communique.
Camping rassemble 300 étudiants et étudiantes venant du monde entier.
C’est un univers jeune, fluide, multiculturel.
Les conventions sociales, la notion de norme sont questionnées,
les frontières déplacées.
Le monde en perpétuelle évolution.
C’est une multitude de rencontres.
Et j’apprends à leur contact, en les observant.
Je me sens chanceux d’avoir accès à leur intériorité.
**Mon premier Camping**
Juin 2021, sortie de Covid. En plein doute sur l’utilité de mon métier.
J’avais besoin de faire un pas de côté. Le CN D me contacte… sur Instagram. Magique.
C’était ma première commande pour le CN D.
C’était aussi ma première collaboration avec une institution culturelle.
Je faisais surtout de la photo commerciale.
Là, j’ai découvert un autre rapport au travail :
plus d’espace pour l’humain,
l’impression d’œuvrer ensemble pour un projet commun.
Ma mission : accueillir les participants du festival, faire leur photo de classe, et, si ils, elles, iels sont d’accord, des portraits individuels.
Tout est chronométré : une dizaine d’écoles, 150 personnes, en deux heures max, avant que les workshops commencent.
La rencontre avec tous ces individus, toutes ces vies, me semble profondément poétique.
Comment les accueillir ? Surtout ne pas les brusquer. Les accompagner vers ce qu’ils et elles vont vivre ensuite.
Ils sont jeunes, encore étudiants.
En transition entre l’adolescence et l’âge adulte.
Ils dégagent une force immense, celle de croire en leurs rêves.
Je me reconnais en eux, à leur âge.
Et ça m’amène à me demander : quel rôle j’ai vis-à-vis de cette jeunesse ? Quelle posture adopter ?
Le portrait est un exercice très intense.
Il faut créer un lien, un espace où l’autre se sent libre d’être lui-même.
Le rythme est soutenu, les gestes répétés, tout devient intuitif.
Et dans ce défilé de visages, il se passe quelque chose de très beau.
Les traits de caractère se dessinent et se démarquent les uns des autres.
Les particularités de chacun sautent aux yeux.
J’ai été marqué par la rencontre avec tous ces campeurs et campeuses,
Il y a un truc indélébile.
La photo devient une preuve de cette rencontre.
Qu’est-ce qui nous unit, les campeurs et moi ?
Je me plais à croire que le festival Camping est une étape importante dans la vie de ces jeunes artistes, dans leur construction.
Comme il a été pour moi une étape dans ma vie professionnelle et personnelle.
Cette année, ça fera cinq ans que je participe au Festival Camping.
C’est devenu un rituel.
Juste après mon anniversaire, et pendant le solstice d’été.
C’est un moment que je ne peux pas rater.
J’ai rencontré des gens incroyables, j’ai noué des amitiés.
Depuis, j’ai travaillé avec d’autres lieux culturels.
Camping a changé mon regard sur mon métier.
Camping, CND Centre national de la danse © Christophe Berlet
Je construis, année après année, un corpus de portraits qui, à mes yeux, a une valeur inestimable.
C’est un peu comme cartographier une partie de la jeunesse artistique et créative internationale.
Et elle est magnifique et précieuse.
Être au contact de cette jeunesse me réconforte et me rassure sur l’état du monde.
À mon avis, ça ferait un beau livre et une belle expo.
J’dis ça, j’dis rien.
Et puis, il y a ce moment fort à la fin de chaque semaine : les photos sont projetées dans tout le CN D.
On voit ces photos vivre, et comment elles sont reçues.
Tout le monde regarde, rigole, se reconnaît.
On sent qu’il s’est passé quelque chose. Quelque chose de fort pour elles et eux pendant le festival.
Les photos prennent une autre dimension, ont une autre signification.
Finalement, ce portrait, c’est comme un cadeau que le CN D nous fait, aux campeurs et à moi.
Texte de Christophe Berlet
Photographies de Marc Domage et de Christophe Berlet
Christophe Berlet est un photographe franco-thaï basé à Paris. Autodidacte, il développe depuis plus de vingt ans une pratique professionnelle au croisement de la mode, du sport et de la culture. Il considère la photographie comme un moyen de se relier aux autres, d’explorer ce qui les anime, leurs gestes, leurs élans, leurs histoires. Cette attention à l’humain, au mouvement et au corps trouve un écho dans sa propre pratique du sport, intimement liée à sa manière de photographier. Aujourd’hui, il approfondit une démarche plus personnelle à travers des projets au long cours, où il interroge ses origines, son besoin d’ancrage. En allant à la rencontre des autres, il cherche aussi à mieux se comprendre lui-même.
Photographe autodidacte, après avoir été tireur dans un laboratoire professionnel, Marc Domage s’est consacré à la prise de vue en suivant ses principales affinités : l’art et la danse. Attaché à la transversalité entre les différents secteurs de l’art, il collabore avec des plasticiens, des chorégraphes, des metteurs en scène, des designers et des institutions culturelles en prenant soin de transcrire l’art de création en images.
Festival Camping
du 16 au 27 juin aux SUBS, à la Maison de la Danse à Lyon, au CNSMD de Lyon, au CN D à Lyon, au Théâtre Le Ciel et au Studio Chatha
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