CN D Magazine

#8 février 25

Une exposition dansée, à hauteur d’enfant

Charlotte Imbault

Exposition Danser à la Cité des sciences et de l'industrie © F. Jellaoui


À la Cité des Sciences et de l’Industrie de Paris, l’exposition sobrement intitulée Danser aborde la danse par l’action. Immersif, joyeux et interactif, tout le parcours s’adresse directement aux plus jeunes, à partir de 4 ans. Un dimanche après-midi de janvier, CN D Magazine a arpenté les différents espaces pour écouter ce que les premiers concernés ont à en dire. Visite guidée.

Tourner la tête, marcher sur la pointe des pieds ou encore faire des « fentes » un pied en avant, genou plié. Avant même d’entrer dans les espaces de la Cité des Sciences à Paris, l’exposition Danser nous met en mouvement. Après la mise en jambe, une boule disco suspendue invite à franchir le seuil sur l’air disco-funk de Earth, Wind & Fire « Let this groove, get you to move, alright ». Les enfants face à un grand écran suivent le rythme. Anna, 7 ans, explique : « Le mot “danser” s’affiche en majuscules devant nous : je me mets sur le rond au sol et à chaque fois que je bouge, les lettres font les mêmes mouvements que moi. » Adam, 7 ans, saute et tourne « pour voir ce que ça fait à la lettre ».

Elle n’est pas la seule à ressentir cette frustration : Djed, 9 ans, venu avec un petit groupe pour fêter l’anniversaire d’Auguste, a aussi été stoppé net dans son action. Chaque demi-heure, l’exposition est ponctuée d’un bal imaginé par la chorégraphe Virginie Quigneaux ; et pour inciter les enfants à se regrouper dans un même espace, certaines animations s’interrompent. L’occasion de danser avec des personnes que l’on ne connaît pas, comme c’est le cas d’Anna qui a entamé une valse avec « une dame », ou de s’amuser en famille comme Gabriel qui a dansé avec son frère, sa cousine, son oncle et ses deux mères.

Un peu plus loin, Diane, 12 ans, joues rouges, chaussures à la main, entre dans l’espace « marcher » conçu par le collectif Adrien M & Claire B. « Ce qu’il se passe à l’intérieur est génial ! En posant les pieds sur le sol, des ondes se créent. J’ai couru et essayé de sauter à un endroit précis pour justement les voir se déplier autour de moi, explique-t-elle. Un peu comme si on lançait un caillou au milieu d’un lac. »

Exposition Danser, Cité des sciences et de l'industrie © F. Jellaoui

L’exposition n’induit pas de parcours particulier. La circulation, pensée librement, est facilitée par la disposition en cercle des différentes parties symbolisées par les verbes d’action. L’un d’eux revient souvent dans la bouche des enfants, quel que soit leur âge : sauter. Avec les tout petits, 3 et 4 ans, il devient même le synonyme de danser. Leonora, plus âgée, revient sur son expérience dans l’espace dédié, pensé en partie par le chorégraphe Vincent Delétang : « J’ai pu sauter, mais aussi tomber et tourner, mettre un pied là et un autre là. Tu peux aussi voir ton saut en vidéo. Moi, j’ai fait le saut le plus rigolo possible : en tournant. Puis la vidéo te montre toutes les étapes du mouvement décomposé. » Ce qu’Anna n’a malheureusement pas pu expérimenter : « La première fois, je n’ai pas réussi à suivre le timing et j’y suis arrivée au deuxième coup, mais la technologie n’a pas marché ! »

Célébration du mouvement, l’exposition se compose essentiellement d’écrans, d’images à voir, à reproduire ou avec lesquelles interagir. Si les bugs peuvent arriver, l’ingéniosité technique est frappante. « Sur quatre écrans, les danses passent, et passent, donc pas besoin de bouger pour toutes les voir » remarque Anna dans l’espace circulaire de la section « se rencontrer ». Autour d’une installation numérique en motion capture, les enfants semblent tout aussi fascinés. La technologie permet ici non seulement d’accompagner la danse mais aussi de l’induire de manière ludique. Anna s’amuse de la façon dont son corps est détecté : « Si tu enlèves tes pieds des traces bleues au sol, “ça” ne te reconnaît plus. Mais si tu bouges les pieds pendant que tu bouges les mains “ça” peut renverser ton image ou même la faire disparaître. » Camille a particulièrement aimé ces différents « personnages interactifs, faits de bulles, de paillettes, qui reproduisent nos mouvements et parfois explosent ».

Exposition Danser, Cité des sciences et de l'industrie © F. Jellaoui

Djed, lui, est très attentif aux danses qu’il appelle « iconiques », c’est-à-dire des chorégraphies rendues célèbres notamment sur Internet. Dans un espace, les films s’enchaînent pendant 2 ou 3 minutes, faisant défiler différentes esthétiques et cultures de danse. Camille a reconnu Billy Elliot, Anna les animaux de Madagascar et ceux de Ma vie de courgette. Elle analyse : « Certaines vidéos me faisaient rigoler et d’autres me rendaient sérieuses, comme celle avec une danseuse en tutu bleu et une couronne qui tournait, tournait… » Face à la virtuosité, Anna est restée très concentrée, elle qui a commencé l’apprentissage de la danse classique. Avec sa classe, d’ailleurs, elle prépare une chorégraphie pour la fête de l’école. Et pour mieux l’inventer, elle et ses camarades s’inspirent des vidéos. « Peut-être que je pourrais reprendre ce mouvement-là, se demande-t-elle avant de l’exécuter. Je pointe le doigt deux fois à gauche et puis à droite. »

Située à la sortie, la dernière partie de l’exposition, « se poser », passe souvent à la trappe, les parents étant pressés et les enfants peu attentifs. Ce qui n’est pas du goût d’Anna qui a tenu à laisser une trace de son passage en écrivant au marqueur sur le grand mur prévu à cet effet : « Anna dancer », dans sa langue maternelle. En repartant, elle demande à sa mère de refaire les échauffements du couloir dans le sens inverse afin de « se défaire de l’exposition ». Car la danse dont il est question ici s’imprègne dans les corps et s’emmène avec soi.

Artiste et critique d’art, le travail de Charlotte Imbault se situe entre l’oral et l’écrit. Elle crée des situations au sein desquelles des personnes qui ne se connaissent pas se rencontrent, que ce soit à travers le montage sonore, des interviews, la création d’une revue, des dispositifs de programmation, d’expositions, de conférences ou d’ateliers. Après avoir été rédactrice en chef adjointe de la revue Mouvement, elle co-fonde en 2017 la revue watt qui se conçoit comme un studio à ciel ouvert et crée en 2018 le podcast What You See.

Danser
Exposition
Commissariat : Sophie Manoff et Laurence Caunézil
jusqu’au 28 juin 2026, à la Cité des sciences et de l’industrie, Paris