CN D Magazine

#2 janv 23

Dans les coulisses de P.A.R.T.S., fabrique de la danse contemporaine

Dounia Dolbec


Training cycle, cours de Diane Madden © Charlotte Cétaire

Plus d’un quart de siècle après sa création à Bruxelles par l’incontournable chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker, P.A.R.T.S. – pour Performing Arts Research and Training Studios – est l’une des plus prestigieuses formations de danse contemporaine au monde. Longtemps précurseuse, l’école évolue avec la société et tente de répondre aux exigences accrues en matière de diversité et d’inclusion des nouvelles générations. 

Nombre de chorégraphes de renommée internationale y ont fait leurs classes, de Sidi Larbi Cherkaoui à Dada Masilo en passant par Akram Khan et Marlene Monteiro Freitas. Tous les trois ans, des centaines de jeunes artistes rêvent de leur succéder dans les murs de P.A.R.T.S. Au terme d’auditions organisées dans une vingtaine de villes européennes (mais aussi à Tokyo, Tunis et São Paulo en 2022), une quarantaine de jeunes de 18 à 23 ans intègrent le Training cycle de trois ans, correspondant à un Bachelor. Au même moment, une douzaine d’élèves de 21 à 27 ans sont admis dans le programme de master STUDIOS, qui dure deux ans.

Patric Cunha a quitté le Brésil pour rejoindre la 14e génération du Training cycle en septembre 2022 et se nourrir « de nouvelles expériences et de nouvelles façons de penser et de voir la danse et le monde ». Si la danse est logiquement au cœur de la formation – danse classique, danse contemporaine centrée sur la « release technique », ateliers guidés par des intervenants – le programme est multidisciplinaire. Il inclut d’autres pratiques physiques – yoga, théâtre, chant – et théoriques : en plus de l’histoire de l’art et de la philosophie, des séminaires thématiques sur les questions de genre, l’écologie ou la décolonisation ont été introduits à l’initiative de l’école depuis la 12e génération. L’alimentation, végétarienne et locale avec des repas macrobiotiques proposés quotidiennement au déjeuner, occupe également une place importante dans la philosophie de l’école, développée par Anne Teresa De Keersmaeker.

Toujours directrice, cette dernière est impliquée dans le processus d’audition, prend part aux discussions pédagogiques et intervient sur un projet ou un atelier avec chaque génération, mais c’est la directrice adjointe Charlotte Vandevyver qui coordonne et supervise la gestion quotidienne. Le répertoire de Rosas, la compagnie d’Anne Teresa De Keersmaeker, est au programme de la formation, et des jeunes diplômés la rejoignent tous les trois ans – ils étaient cinq sur quarante élèves en 2022.

Cette formation d’excellence implique un coût financier – le Training cycle coûte 12 000 € et STUDIOS 10 500 € – et humain. Les cours durant de 8h30 à 18h en moyenne toute la semaine, ils ne permettent pas véritablement de travailler en parallèle. Mais des aides existent, attribuées notamment par des institutions publiques ou des fondations privées : Patric Cunha bénéficie par exemple d’une bourse octroyée par l’école.

Solene Ezin, à P.A.R.T.S. depuis la rentrée, décrit une promotion mêlant « différents types de corps, de mentalité, d’enseignement ». Plus de vingt pays sont représentés dans chaque génération, dont la moitié européens. Certains étudiants ont formulé des requêtes en matière d’équité et de diversité en 2019 et un groupe de travail contre les discriminations s’est formé. Malgré ce « brassage culturel et social », la vie en communauté peut créer un entre-soi pour Georges Labbat, diplômé en 2019, qui parle d’un « monde à part, très beau mais un peu restreint », avec des petites promotions partageant les mêmes approches et références. P.A.R.T.S cherche aujourd’hui à s’ouvrir davantage en encourageant les stages et échanges Erasmus et en collaborant depuis plusieurs années avec l’École des Sables au Sénégal.

Le master STUDIOS, qui a vu le jour en 2020, va dans cette direction en accueillant des élèves d’autres disciplines artistiques. L’étudiante lituanienne Urtė Groblytė a ainsi choisi d’y poursuivre sa scolarité après le premier cycle car elle s’intéresse « davantage à la création qu’à l’interprétation ». Si le Training cycle porte sur la « transmission de compétences », selon Charlotte Vandevyver, STUDIOS donne en effet davantage de temps et d’espace à la recherche et au développement de projets personnels.

Après P.A.R.T.S., les carrières sont variées, comme en témoignent quelques parcours d’anciens : Daniel Linehan gère sa compagnie Hiatus, Eve Bonneau fait de la performance, Jos Baker est chorégraphe, danseur, acteur et enseignant, Laura Maria Poletti danse chez Rosas… « Y être passée, ça ouvre déjà des portes », assure Solene Ezin. Pour préparer la suite, les étudiants se confrontent au public, dans des contextes variés : « la scène mais aussi l’espace public, les musées, le contexte urbain », affirme Charlotte Vandevyver. Les studios s’ouvrent régulièrement lors des PARTS@WORK et chaque Training cycle se clôture par la création d’une pièce d’un ou une chorégraphe invitée. Dans trois ans, rendez-vous avec Mette Ingvartsen, elle-même ancienne étudiante de P.A.R.T.S., qui mettra en scène la promotion actuelle dans l’espace public.

Infos
P.A.R.T.S. - Performing Arts Research and Training Studios vzw
Av. Van Volxemlaan 164
1190 Brussels
Belgium
+32 2 344 55 98
parts.be