CN D Magazine

#2 janv 23

Images extraordinaires :
se souvenir de Raimund Hoghe


En écho à ces images, Emmanuel Eggermontdanseur et chorégraphe qui a longtemps travaillé avec Raimund Hoghe (et qui apparaît dans cet extrait), revient sur leur relation et sur l’art du chorégraphe de Je me souviens :

Il me faudrait sans doute une vie pour mesurer l’impact d’une collaboration de quinze ans, faite de confiance et de grand respect. Chaque jour, je réalise que je continue d’apprendre de lui. Je vais donc seulement tenter ici de relever ce qui me semble essentiel à mettre en lumière et ce qui me guide dans mon propre travail et dans ma vie.

Tout d’abord, il y a l’humilité et la persévérance. Pour évoquer le travail en studio, il disait : « Je fais simplement ce que j’ai à faire. Je continue mon propre chemin en dépit des modes et du succès. Dans le travail, il n’est pas question d’ego. Il est primordial qu’il n’y ait pas de jugement. Je crée juste des atmosphères pour que les choses arrivent… »
Mais ces atmosphères, où chaque interprète est mis en confiance, sont comme des écrins subtilement construits qui permettent à chacun de se révéler dans une danse d’une grande sincérité, libérée de la virtuosité. Au tout début de notre collaboration (36, Avenue Georges Mandel, 2007), Raimund Hoghe m’a transmis cette grande leçon du mouvement nécessaire et essentielle qu’il tenait de Maria Callas : « La seule chose que vous avez à faire, c’est écouter la musique, et la musique vous dira comment bouger […]. La musique est le chemin le plus direct pour aller au cœur des gens. »

Et, bien sûr, il y a le respect, la considération, et une profonde humanité. Il m’a appris à accueillir la beauté là où elle réside, dans l’acceptation de qui nous sommes vraiment et dans notre relation à l’autre, puis à ne pas en avoir peur, peur de la partager sur scène et dans la vie. Une quête de beauté, mais de toutes les beautés, même non conventionnelles. La scène peut être un endroit pour révéler au monde notre capacité à communiquer ensemble au-delà de nos origines sociales et culturelles. Dans ces pièces, il a mis en lumière ceux qui l’ont inspiré au quotidien, les grands artistes comme les anonymes, ceux que la société ne veut pas voir et ceux qui se battent face à l’adversité, vivants ou disparus.
De New York à Tokyo, Raimund Hoghe n’a cessé de rendre hommage à la beauté des autres, de tous les autres. Nous n’aurons pas assez d’une vie pour lui rendre hommage à notre tour, à toute sa beauté.