CN D Magazine

#6 juin 24

Le document insolite : l’apparition, en chair et en os, du contact improvisation en France

Hélène Caillet, Claire Delcroix, Juliette Riandey


Initiée en 1972 aux États-Unis par le danseur et chorégraphe Steve Paxton – né en 1939 et disparu en février dernier –, la danse contact improvisation est une pratique qui vise à parcourir, sur le terrain non-limitatif de l’improvisation, les possibilités d’un corps dansant en contact avec un ou plusieurs autres corps. Cette forme de danse, basée sur les rapports d’équilibre, de poids, de force et de présence à l’Autre, invite les participants à explorer collectivement pesanteur, élan, inertie, gravité ou encore friction.

En 1978, Steve Paxton anime avec Lisa Nelson un stage d’été au Centre international de la Sainte-Baume – situé dans le massif éponyme de Provence –, introduisant à cette occasion la discipline en France. À l’issue du stage, quelques participants, désireux de prolonger l’expérience et de développer les questionnements qui ont été soulevés, décident de se retrouver lors d’ateliers pour approfondir ensemble leurs recherches. Suzanne Cotto, Didier Silhol, Mark Tompkins, Martine Muffat-Joly, Edith Veyron, Anne Fournier et Pierre Riou commencent alors à travailler ensemble. Dès 1979, sous le nom d’Atelier Contact, ils proposent des cours, stages et performances de danse contact improvisation à Paris et transportent ainsi la pratique dans la capitale. Prenant la suite de Steve Paxton et Lisa Nelson, ils organisent en 1982 la toute première Rencontre internationale de contact improvisation au Centre international de la Sainte-Baume.

Le fonds d’archives de l’association Atelier Contact, dont l’activité a officiellement cessé en 1985, confié au CN D en 2020 par Suzanne Cotto et Martine Muffat-Joly, résulte d’une collecte minutieuse de documents auprès des anciens membres. On y trouve les traces des premiers passages en France du collectif américain Freelance Dance, un groupe composé des danseurs Lisa Nelson, Christina Svane, Dany Lepkoff, Patricia Bardi, Nancy Stark Smith et Steve Paxton, qui participa à la diffusion internationale de la danse contact improvisation dès 1978. À l’invitation de l’association Atelier Contact en 1981, ce collectif vient pour la première fois à Paris ; en témoigne cette maquette d’affiche évoquant avec subtilité et humour un rapport singulier au temps et au corps.

Le même fonds d’archives permet de retracer d’autres activités proposées par le collectif durant son séjour parisien. Le programme des performances à l’American Center, dans le 14e arrondissement, file la métaphore du temps : la pièce Raft présente par exemple à mi-parcours une « pause de 10 000 ans » et une improvisation se fonde sur « 5 000 000 d’années d’instincts et de réflexes ». Le programme général, quant à lui, décrit l’organisation de plusieurs stages, lectures-démonstrations, performances et spectacles, étalés sur deux semaines et répartis dans quatre lieux parisiens familiers de l’Atelier Contact, témoignant de la vitalité du groupe et de son envie de mise en commun.

Également conservé par le CN D, le fonds du photographe Claudio Rey permet de compléter cette documentation écrite en offrant des images de l’une de ces soirées performatives à l’American Center. Autant d’événements qui ont été historiques pour la diffusion de la danse contact improvisation en France.

Au sein du département patrimoine, audiovisuel et éditions du CN D, Juliette Riandey est responsable du pôle collections et valorisation, Hélène Caillet et Claire Delcroix sont documentalistes-archivistes.

Fonds Atelier Contact
Médiathèque du CN D
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